Semaine de 4 jours : Quelle productivité peut-on attendre ?

Posté le 11 décembre 2019 par PierreB

La qualité de vie au travail est un sujet particulièrement important de nos jours. La possibilité de travailler depuis chez soi en est un parfait exemple, tant le nombre de télétravailleurs s’accroît. Mais imaginez plutôt de pouvoir bénéficier d’un jour de repos supplémentaire dans la semaine pour retrouver un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Beaucoup d’entreprises font ce pari de la semaine de 4 jours, et très vite se pose une question existentielle : quelle productivité peut-on attendre d’une semaine de 4 jours ? Réponse dans cet article.

La semaine de 4 jours : un succès pour Microsoft au Japon

La semaine de travail de 5 jours est profondément enracinée dans notre culture du travail. À la fin du 18e siècle, travailler 10-16 heures était considéré comme banal étant donné que les usines devaient fonctionner 24 heures par jours, 7 jours par semaine. Ensuite, Robert Owen, théoricien et défenseur des journées de travail courtes, a lancé le slogan « Huit heures de travail, huit heures de loisir, huit heures de repos ». Aujourd’hui, les 5 jours de travail et 7 heures par jour sont un standard. Pourtant, de plus en plus d’études continuent de montrer que la semaine de 5 jours n’est pas aussi efficace que des semaines de travail plus courtes.

En août dernier, Microsoft Japon a tenté une expérience appelée Work-Life Choice Challenge Summer 2019. L’ensemble du personnel a alors expérimenté la semaine de travail de 4 jours. Au total, ce sont près de 2 300 employés qui ont bénéficié de cinq vendredis libres sans aucune réduction de salaire et sans toucher aux jours de vacances. Résultat : un grand succès avec des gains de productivité de près de 40% et une augmentation de la satisfaction des employés (92,1% des employés ont déclaré profiter de la semaine la plus courte).

Pour pouvoir mener à bien cette expérience, Microsoft Japon a raccourci de nombreuses réunions (ou les ont menées à distance). L’entreprise a également pu constater une baisse de 23,1% de la consommation d’électricité grâce aux trois jours du week-end. L’expérience est donc très concluante, avec d’une part des gains de productivité, des salariés plus épanouis, et d’autres parts moins de ressources utilisées et donc un geste pour l’environnement. Que de positif.

Le CEO, Takuya Hirano, a expliqué pourquoi il avait voulu mener l’expérience de la semaine de 4 jours. L’objectif, dit-il, était de « travailler moins, mieux se reposer, et apprendre ». « Je veux que mes employés réfléchissent et tentent de comprendre comment ils pourraient faire les mêmes résultats en travaillant 20 % de temps en moins », a-t-il ajouté dans un communiqué transmis au Guardian.

Des entreprises françaises connaissent le même succès

“Dans les entreprises de 4 jours, les salariés ont la pression du temps. Ils ont tendance à se débarrasser de leurs tâches rébarbatives dès le début de la semaine pour gagner en efficacité”, selon Isabelle Rey-Millet, professeure de management à l’ESSEC.

En France, les 35 heures sont dans les faits obligatoires depuis une réforme de 2002. Cependant, certaines entreprises parviennent à la contourner, en négociant entre employeur et employé. Ce le cas de Love Radius, entreprise spécialisée depuis 2007 dans la confection et la commercialisation de porte-bébés. La société adopte de mai à août, sans baisse de salaires, la semaine de 4 jours, puis l’a généralisée ensuite au reste de l’année face à ce premier constat réussi. En supprimant un jour, le travail se reporte sur les autres jours. Les salariés font preuve d’une meilleure autonomie et développent également une meilleure organisation. Les horaires n’ont pas changé. Les jours fériés sont décomptés comme le jour de repos supplémentaire, de même avec les arrêts maladie. Un succès pour Love Radius, qui réalise un chiffre d’affaires de plus de 3 millions d’euros en 2018.

L’entreprise Yprema a également fait le pari de la semaine de 4 jours, mais depuis bien longtemps. En 1997 déjà, 80% des salariés (hors cadres dirigeants, commerciaux, et agents d’accueil) sont passés à 4 jours toute l’année. Voilà près de 22 ans que le modèle tient. L’entreprise spécialisée dans l’économie circulaire et le recyclage de matériaux a réalisé un chiffre d’affaires de 23,5 millions d’euros en 2018 et compte aujourd’hui plus de 100 salariés répartis sur 16 sites en France.

Qu’en est-il du fonctionnement ? Les salariés se voient affecter un jour fixe de repos, négocié avec leur employeur. Pour compenser la perte de ce jour et rester aux 35 heures, l’entreprise décide alors d’augmenter le volume horaire. L’entreprise fonctionne alors 5 jours, 44 heures par semaine et revendique 13 mois de production par an. Elle bénéficie de la loi Robien, qui permet aux entreprises de réduire le temps de travail des salariés en contrepartie d’allégement de cotisations pendant 7 ans. Résultat : les embauches de l’entreprise ont progressé de 10%.

La semaine de 4 jours pas forcément approuvée par tous

Paradoxalement, d’autres entreprises ont tenté la semaine de 4 jours, et ont ensuite fait marche arrière. En août 2018, Business Insider évoquait l’histoire de Ryan Carson, le fondateur et CEO de Treehouse, une société dédiée à l’apprentissage de la programmation. Le CEO a alors expérimenté pour ses employés la semaine de 32 heures, étalées sur 4 jours de travail. Il est finalement revenu en arrière. En cause : travailler moins aurait fait perdre aux travailleurs « leur éthique de travail ».

Ryan Carson travaille lui 65 heures par semaine. Il estime que « travailler plus intelligemment » ne suffit pas toujours. Selon lui, il est nécessaire de « travailler mieux, mais aussi de travailler plus dur ». Il met donc en évidence la nécessité de faire les deux, sans pour autant aborder la question du bien-être de ses salariés. Pour lui, l’expérience n’était pas concluante et le manque de travail s’est fait ressentir. La société a fini par faire appel à des cadres intermédiaires puis, en 2016, elle a suspendu la semaine de quatre jours.

Il n’y a pas de modèle unique

La semaine de 4 jours semble être approuvée par bon nombre de travailleurs du monde entier. Selon une étude publiée par le Workforce Institute, 3 personnes sur 4 préféreraient travailler moins de cinq jours par semaine. L’idée est alors de travailler plus intelligemment, au lieu de plus longtemps. Les salariés en burn-out, les parents désireux de passer plus de temps avec leurs enfants, la génération Y particulièrement soucieuse de l’équilibre vie pro/perso, ou encore les écologistes cherchant à réduire la consommation énergétique ou la pollution due aux trajets quotidiens, sont d’autant de partisans de ce mode de travail nouveau.

Mais attention, car il n’existe pas de modèle unique. Chaque secteur d’activité comporte ses spécificités et certaines entreprises semblent plus à même de proposer la semaine de 4 jours de travail à ses collaborateurs. Tout dépend de la masse salariale, de l’organisation interne, du volume et de la saisonnalité de l’activité(entre autres). Il convient alors pour les employeurs de se poser les bonnes questions sur les objectifs réalisables et sur les différentes manières de mieux les réaliser. Dans un contexte de guerre des talents et de recherche des meilleurs profils sur le marché du travail, les employeurs ont tout intérêt à recourir à ce genre de pratique organisationnelle quelque peu innovante, dans la mesure où l’encadrement est bien mené.


Sources : BBC / The Guardian / Business Insider / Numerama / Les Echos Start

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *